Les cryptos États-Unis d'Amérique
Trump dérégule et investit le secteur des cryptomonnaies avec l'aide des démocrates, qui viennent de voter une loi ouvrant les vannes de la corruption et de la privatisation de la monnaie...
Le Congrès américain est en passe de voter une loi visant à assouplir la régulation des stablecoins1, ces actifs financiers servant de liquidité pour les transactions en cryptomonnaie. Écrit par les lobbies procryptos, le texte semble taillé pour Donald Trump. Même son titre (“Stable act”, pour la version de la Chambre des représentants et “GENIUS act” pour le Sénat) est un clin d’œil au président, qui s’était autoproclamé “Very Stable Genius” suite à un examen médical. Non seulement cette loi lui permettra de tirer un maximum de profit de ses nombreux investissements dans le secteur des cryptoactifs, mais elle ouvre aussi la voie à un nouveau type de corruption - y compris de la part des gouvernements et agents étrangers.
Le texte aurait pu être baptisé “légalisation de la corruption du Président”, mais il pose d’autres problèmes. Le cadre législatif proposé pour faciliter l’usage des stablecoins doit permettre leur montée en puissance. Les banques et la finance traditionnelle risquent d’être exposées au risque systémique des cryptoactifs, secteur connu pour sa volatilité et sujet à de multiples fraudes, arnaques, piratages, manipulations des cours, délits d’initiés, blanchiments d’argent et problèmes de financement des activités criminelles et terroristes. Combiné à de récents décrets présidentiels, le “GENIUS act” ouvre la voie à un usage des stablecoins par le gouvernement américain, qui pourrait ainsi contraindre les citoyens à recevoir ou effectuer des paiements en cryptoactifs. Tout en permettant par ailleurs à des entreprises privées de mettre au point leur propre monnaie, pour le plus grand bonheur de personnalités comme Elon Musk.
De quoi faire basculer le pays dans une situation inédite où la corruption généralisée s’étendrait à la privatisation de la monnaie, faisant des États-Unis un crypto-État dirigé par une clique de milliardaires baignant dans des conflits d’intérêts sans précédent. Le tout avec le soutien décisif du Parti démocrate, dont de nombreux sénateurs ont voté en faveur du texte porté par Donald Trump. Explications.
Trump écrase la régulation des cryptos et légalise les pratiques criminelles
En 2019, Trump déclarait “Je ne suis pas fan de Bitcoin et des autres cryptos, qui ne sont pas des monnaies et dont la valeur très volatile est basée sur du vent. Les cryptoactifs non régulés peuvent encourager les comportements illégaux, dont le trafic de drogue et autres crimes”. Il voyait cette technologie comme une menace face à l’hégémonie du dollar et un véhicule permettant de financer le terrorisme international et contourner les sanctions économiques américaines.
Sa position a évolué peu à peu, pour des raisons que nous avions détaillées dans un article précédent. En particulier, la campagne de Donald Trump a reçu plus de 20 millions de dollars de dons en provenance de l’industrie des cryptos, plus le soutien public de divers acteurs majeurs du secteur. Il leur a renvoyé l’ascenseur dès sa prise de fonction.
Outre la création d’une réserve fédérale en cryptomonnaie annoncée pour soutenir les cours, Trump a débuté une croisade contre les différentes agences fédérales engagées dans la régulation du secteur. La SEC (le gendarme des marchés financiers américains) a abandonné ou classé sans suite une dizaine de procédures judiciaires et enquêtes impliquant les principales firmes du secteur.
Depuis, avec l’aide des équipes d’Elon Musk qui opèrent au sein du DOGE (le Departement Of Gouvernement Efficiency), Trump a poursuivi dans cette voie. Le Consumer Financial Protection Bureau (CFPB), une agence fédérale conçue pour protéger les Américains des abus perpétués par le secteur bancaire, a été vidé de tous ses moyens. La section du FBI chargée de lutter contre les crimes financiers liés aux cryptos a été purement et simplement démantelée et, dans une directive remarquable, la Maison-Blanche a demandé au ministère de la Justice de cesser d’engager des poursuites contre les acteurs des cryptomonnaies s’il n’avait pas la preuve d’une volonté et conscience de violer la loi. Tout en ordonnant au département chargé des crimes financiers de “ne plus instruire de procédures visant le secteur des cryptoactifs”. Enfin, Trump vient de gracier une série d’individus affiliés à la société BitMEX et condamnés pour blanchiment d’argent.
Dans les faits, le secteur des cryptomonnaies n’a donc plus grand-chose à craindre du FBI, des procureurs fédéraux, du ministère de la Justice au sens large et de la SEC en particulier. Ce qui tombe bien, compte tenu de l’implication grandissante du président dans ce secteur.
Trump en passe de bâtir un crypto-empire pour faciliter sa propre corruption
En 2021, alors qu’il vient de perdre les élections, Trump lance une collection de cartes virtuelles à son effigie, sous forme de NFT2 ( “Non Fungible Token”) reposant sur une blockchain3. Elle fonctionne comme une pyramide de Ponzi, puisque la valeur des cartes est purement spéculative. Pour encourager ses fans à se porter acquéreurs, il organise un système de loterie donnant accès à des récompenses. Sa femme Melania avait également tenté de lancer sa propre série de NFT, sans grand succès.
Depuis qu’il s’est autoproclamé “Crypto-Président”, Trump va beaucoup plus loin. Après avoir fait la promotion du secteur pendant la campagne électorale et conduit une politique favorable à cette industrie depuis sa prise de pouvoir, il s’engage dans une série d’actions qui n’ont plus rien à voir avec le simple renvoi d’ascenseur évoqué plus haut.
Plus de 350 millions de profit via les “Memecoins”
Quelques heures avant sa prise de fonction, Trump a lancé un memecoin4 à son effigie baptisée $TRUMP et initialement proposé au prix de 18 centimes le jeton numérique. Le cours s’est très fortement apprécié (à 75 dollars le jeton) avant de chuter brutalement, suite à la vente des premiers acheteurs. La création de ce cryptoactif avait suscité de vives critiques, en particulier de la part de la communauté procrypto, qui y voyait une démarche purement opportuniste susceptible de faire du tort au secteur. En effet, Trump et ses proches ont encaissé plus de 350 millions de dollars après avoir revendu au plus haut une partie des jetons qu’ils avaient créés ex nihilo, dans ce qui s’apparente à un cas d’école de rug pull5. Le cours était retombé rapidement en dessous des 10 dollars, laissant la plupart des acheteurs dans le rouge.
La famille de Trump a reproduit la même chose avec un memecoin basé sur sa femme et baptisé $MELANIA, avec un succès plus modeste, mais respectable.
Depuis, Trump semble utiliser son $TRUMP coin comme support pour vendre un accès privilégié à la Maison-Blanche. Après s’être durablement effondrée, la valeur du token $TRUMP est repartie à la hausse suite à l’achat de vastes quantités de jetons par des acteurs étrangers, pour plusieurs centaines de millions de dollars. Le président a poursuivi dans cette voie en offrant des prix aux principaux investisseurs dans sa cryptomonnaie, dont un diner en sa présence dans sa résidence de Mar-a-lago aux 220 plus gros détenteurs et la promesse d’une entrevue préliminaire avec les 25 premiers de la liste. En moyenne, les 220 invités ont investi 1,8 million de dollars pour participer au diner. L’écrasante majorité de ces individus ne serait pas de nationalité américaine. Ironie du sort : Trump s’est contenté d’une brève apparition centrée autour d’un discours de 25 minutes, sans s’entretenir personnellement avec ses invités. Faut-il y voir le résultat du tollé provoqué par l’organisation de cet évènement, ou un signe de plus que Trump a parfaitement intégré l’esprit “crypto”, qui consiste à vendre la lune à des investisseurs crédules avant d’empocher le jackpot tout en les laissant sur le carreau ?
Une chose est sûre, ce type d’initiative viole la constitution américaine, qui interdit au président de recevoir des cadeaux en provenance de l’étranger moyennant des traitements de faveur. Or, cette opération ne permet pas uniquement d’augmenter le cours d’un actif comme le $TRUMP coin, encore majoritairement détenu par la famille Trump. Elle augmente aussi l’activité de trading associée à ce cryptoactif, ce qui génère des revenus supplémentaires via les frais de commission. Et ce type d’enrichissement n’est qu’une des avenues empruntées par Trump pour rentabiliser sa présidence.
La Trump organisation lance un Stablecoin, investit dans le minage de cryptos et le jeu vidéo basé sur cet écosystème
Non content de disposer de son memecoin, Trump a également lancé un stablecoin (“USD1”) via World Liberty Financial, une société contrôlée à 60 % par sa famille. Le lancement du token a rapporté 400 millions de dollars. Depuis, les Émirats arabes unis ont annoncé leur prise de participation à hauteur de 2 milliards de dollars dans la plateforme de courtage en ligne Binance, qui sera payée avec le stablecoin de Trump. Ce qui devrait lui permettre de récolter des commissions importantes, tout en offrant une légitimité à son “USD1”.
Avec ce stablecoin, Trump se place en situation idéale pour profiter du GENIUS act adopté par le Congrès, et dont une provision vise explicitement à permettre les investissements étrangers dans les stablecoins. Et ce, sans obligation de vérifier la provenance de l’argent ni la conformité avec les lois visant à empêcher le financement du terrorisme international. Autrement dit, la loi vise à légaliser les pratiques de corruption : Trump (et ses corrupteurs) ne pourront plus être poursuivis pour trafic d’influence si des investisseurs étrangers achètent des USD1 dans le simple but de s’attirer les faveurs de Donald Trump.
Cette décision n’est pas un cas isolé. Comme le détaille la journaliste spécialiste des cryptos, Molly White, la famille Trump investit également dans une société de minage de cryptomonnaie et se penche sur le lancement d’un jeu vidéo dont la monnaie virtuelle serait constituée de cryptoactifs. Deux investissements à la moralité douteuse.
Le minage de crypto est un processus consistant à faire tourner des milliers de processeurs informatiques pour réaliser les calculs complexes requis par les blockchains, un processus énergivore à l’impact environnemental désastreux. Quant aux jeux vidéos reposant sur les cryptomonnaies, ils débouchent parfois sur des écosystèmes où des enfants du tiers monde sont employés par de riches individus pour jouer à leur place et rapatrier une grande partie des gains, lorsqu’ils ne sont pas critiqués pour leurs mécanismes hautement addictifs qui provoquent des problèmes psychologiques chez les usagers traditionnels.
Enfin, Molly White rappelle que Trump et sa famille possèdent des investissements dans les cryptomonnaies et visent, via la création de diverses sociétés liées aux cryptos, à augmenter leur exposition financière à ces actifs dans l’espoir de réaliser des gains financiers importants. Un conflit d’intérêts d’autant plus saillant que l’autoproclamé « cryptoprésident » est directement impliqué dans la régulation de ce secteur.
Au Congrès, la loi procrypto “GENIUS act” en passe d’être adoptée grâce aux démocrates
Au cours de son premier mandat, Trump avait récolté plus de 8 millions de dollars en louant ses chambres d’hôtels et golfs à des diplomates et hommes d’affaires étrangers, qui utilisaient ces moyens pour se faire bien voir du président ou obtenir des entrevues.
Avec les cryptoactifs, Trump change drastiquement de braquet. Les sommes en jeu sont incomparablement plus élevées et les retombées potentielles quasi illimitées. Pourtant, les sénateurs démocrates ont voté le texte de loi promu par le Parti républicain pour accélérer cette dérive.
Il s’agit d’une faute politique majeure. Pendant que les sénateurs démocrates négociaient des amendements anecdotiques sur le texte, Trump faisait arrêter puis poursuivre en justice une parlementaire démocrate, faisait disparaitre sans passer devant un juge des immigrés en situation légale pour les déporter dans un goulag salvadorien, attaquait la liberté d’expression et les universités, menaçait de violer la constitution, engageait de multiples bras de fer avec la Cour suprême, détruisait les régulations environnementales, sabotait la transition écologique timidement entamée sous Joe Biden et perpétrait un génocide. Une politique qui enrage la base électorale démocrate. À l’exception de quelques élus, dont le duo de représentants de la gauche radicale Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez, les élus démocrates refusent pourtant de s’opposer frontalement à Donald Trump.
Même s’ils pensaient sincèrement que le GENIUS Act était un bon texte, il aurait été normal qu’ils refusent de le voter sans obtenir des contreparties de la part de l’administration Trump sur d’autres sujets. Un parti d’opposition doit s’opposer, surtout lorsque le président voit sa cote de popularité s’affaisser dans des proportions historiques. Autrement, le Parti démocrate ne bénéficiera pas de l’impopularité de Trump et du Parti républicain, car il sera perçu comme complice et complaisant.
Ici, le travail de l’opposition démocrate est facilité par le fait que le texte est clairement critiquable : il organise un vaste système de corruption au profit de Donald Trump, mais, comme nous allons le voir, ouvre également la porte à divers risques financiers et conséquences potentiellement néfastes pour la société américaine.
Le premier risque est lié aux retombées attendues par les promoteurs du texte, qui estiment que la capitalisation boursière des stablecoins pourrait être multipliée par dix pour atteindre 2000 milliards de dollars. De pareilles sommes, qui plus est désormais intégrées à la sphère économique traditionnelle, risquent de provoquer de l’instabilité financière. En particulier en exposant des fonds de pension et banques systémiques au risque d’effondrement des cours. Rappelons que les cryptomonnaies ne sont pas régulées et qu’elles sont l’objet d’amples mouvements financiers, avec des outils spéculatifs à effet de levier qui peuvent provoquer des problèmes de liquidité poussant des acteurs à la faillite. Un évènement de ce genre, s’il se propageait à la sphère financière traditionnelle, pourrait entrainer une nouvelle crise financière majeure. Ce qui serait ironique lorsqu’on sait que les cryptomonnaies sont apparues en réponse à la crise des subprimes et à la perte de confiance dans le secteur bancaire traditionnel.
Le second risque concerne les consommateurs. Les cryptoactifs sont régulièrement la cible de larges fraudes et arnaques, mais également de piratages informatiques (depuis 2021, 78 milliards de dollars auraient ainsi été volés). En cas de perte ou de vol, les détenteurs de cryptos ne sont pas protégés par des mécanismes d’assurance comme le sont les dépôts bancaires ou les cartes de crédit. Les petits porteurs victimes de fraudes sont souvent condamnés à subir les pertes sans recours possibles. D’autant plus que les transactions en cryptos ne sont pas réversibles, contrairement aux virements bancaires et paiements par carte de crédit. Pire, le GENIUS act stipule qu’en cas de faillite d’un stablecoin, les investisseurs en cryptos devront être remboursés en premier, avant les acteurs financiers traditionnels et les clients (soit l’inverse d’une procédure de mise en faillite normale).
Comme le soulignait la sénatrice progressiste Elizabeth Warren dans son discours au congrès, encourager l’adoption des stablecoins risque aussi de drainer l’épargne américaine alimentant les banques locales et finançant collectivités et PME, avec des répercussions importantes sur certains territoires défavorisés. On ne le répète jamais assez, chaque dollar ou euro placé dans des cryptoactifs quitte l’économie réelle sans rien produire en retour. Un peu comme les investissements sur le marché secondaire d’action et d’obligation, bien que soutenir le cours de ces produits financiers produit des effets indirects sur l’économie réelle (baisse des taux d’intérêt, capacité d’investissement accrue des entreprises…).
La sénatrice du Massachusetts insistait aussi sur l’absence de mécanismes de contrôle ou de régulation pour prévenir les usages illégaux des stablecoins, qui sont déjà massivement utilisés pour financer le trafic d’êtres humains, d’armes et de stupéfiants, en plus du blanchiment d’argent, du terrorisme international, de la pédophilie, de la cybercriminalité et autres activités illicites. En officialisant les stablecoins sans leur appliquer les régulations auxquelles est assujetti le secteur financier traditionnel, le Congrès va créer un formidable outil au service du crime organisé et des “États voyous”.
Enfin, le “GENIUS act” facilite la création de stablecoins par les firmes américaines, qui ne seront plus bridées comme précédemment et auront enfin un accès comparable aux mécanismes de financement interbancaire dont bénéficient les établissements financiers traditionnels. De ce fait, les deux hommes les plus riches du monde (Elon Musk et Mark Zuckerberg) vont pouvoir mettre en œuvre leur rêve de monnaie privée en créant leur propre stablecoin lié à leurs réseaux sociaux et programmes d’Intelligence artificielle respectifs (X et Grok pour Musk, Facebook, Instagram et Llama pour Zuckerberg).
Si cela peut sembler être de la science-fiction, Donald Trump a déjà signé un décret pour permettre aux agences gouvernementales d’accepter les paiements et de procéder à des versements en cryptos. Et les équipes du DOGE d’Elon Musk ont obtenu les accès informatiques aux systèmes de paiement du gouvernement fédéral permettant de verser les pensions des retraités, vétérans et personnes éligibles aux diverses aides sociales. Tout en indiquant leur souhait de permettre d’effectuer ces versements avec des monnaies basées sur des blockchains. Autrement dit, les dispositions pour verser en cryptomonnaie les quelques cinq mille milliards d’aides sociales annuelles aux plus de cent millions d’Américains qui en dépendent ont déjà été prises. De plus, l’administration Trump a évoqué l’idée d’effectuer divers paiements en cryptos (3 milliards pour un projet de logements sociaux et plusieurs milliards pour l’aide au développement). Les Américains pourraient ainsi être contraints d’utiliser les stablecoins, qu’ils le veuillent ou non. Reste à savoir si ce sera ceux émis par Elon Musk, Trump, Mark Zuckerberg ou un panier des trois…
Outre la corruption sous-jacente et la concentration de pouvoir qu’un tel scénario produirait, cela reviendrait, pour le gouvernement américain, à se tirer une balle dans le pied en générant des concurrents privés du dollar. Mais ce ne serait pas la première fois que le système monétaire américain se retrouverait constitué d’une constellation de monnaies privées ni que l’administration Trump prendrait des décisions contraires aux intérêts du pays…
United states of Corruption (on n’arrête pas le progrès)
Deux sénateurs républicains (sur les 53 actuellement élus au Congrès) ont voté contre le GENIUS act. Ce type de texte doit recueillir une majorité qualifiée de 60 voix sur 100 pour être adopté. Compte tenu des arguments précédents, comment expliquer le fait que pas moins de 16 sénateurs démocrates aient voté le “GENIUS act”, alors que le soutien de 9 d’entre eux était suffisant pour faire adopter le texte ?
La première explication est la corruption pure et simple. Les lobbys procryptos ont été (de loin) le premier secteur en termes de dons aux campagnes électorales du cycle 2024, devant les énergies fossiles, big pharma, les industries de défense ou encore Wall Street. Cette injection de cash sans précédent a permis d’acheter de nombreux élus, qui doivent leur élection au soutien financier du lobby procrypto. Le sénateur de Californie Adam Schiff a ainsi vaincu l’élue progressiste Katie Porter grâce au soutien financier de ce secteur. Il a logiquement voté pour le GENIUS act, tout en se payant le luxe de tenir un discours de 30 minutes au Sénat pour détailler les “dix plus gros actes de corruptions commis par Trump” en 100 jours de mandat.
Le lobby procrypto pouvait aussi compter sur la sénatrice de New York Kirsten Gillibrand, qui s’était présentée à la primaire de l’élection présidentielle démocrate en 2020 sur un programme “progressiste et féministe”. Depuis, elle a été achetée par le lobby et a garni son cabinet d’anciens dirigeants de firmes spécialisés dans les cryptoactifs. Elle a ainsi justifié son soutien au texte par la formule tautologique “les cryptos ont fait la preuve qu’elles étaient là pour rester, il est donc inutile de s’y opposer”. En effet, tant que le pouvoir politique refuse de mettre des freins à cette technologie, elle continuera de croitre (et d’acheter les politiciens).
À la chambre des représentants et dans les commissions concernées, les élus démocrates se sont montrés plus sceptiques, allant jusqu’à envoyer des lettres officielles à la SEC pour s’inquiéter des risques de corruption entourant le président Trump. Mais c’est au Sénat que le Parti pouvait bloquer le texte. Ce qu’il s’est refusé à faire. Non seulement une partie des sénateurs a été arrosée par le lobby, mais le comité central du parti démocrate continue de courtiser le secteur des cryptos pour remplir les caisses destinées à financer les campagnes de 2026 et au-delà.
Cela constitue une erreur stratégique, tant l’univers des cryptos constitue un cheval de Troie pour les idéologies réactionnaires, mais également une faute morale. Ces actifs d’un genre nouveau n’ont toujours pas fait la preuve de leur utilité sociale. En plus de faciliter les crimes divers et de provoquer la ruine de nombreux investisseurs et petits porteurs, ils restent un outil dont les couts de fonctionnement (énergétique, commissions financières) sont bien plus élevés que le secteur traditionnel. Les rares personnes qui font fortune grâce aux cryptos sont de plus plus exposées à un risque supplémentaire inhérent à cette technologie : les attaques à leur domicile (enlèvement, tortures et violences) visant à leur subtiliser leurs clés de chiffrement donnant accès à leurs cryptos. Avec l’aide des démocrates et de Donald Trump, les patrons de la Tech qui poussent à l’adoption de cette “Fake Tech” sont en train de réinventer le Far West. On n'arrête pas le progrès.
Typiquement, un stablecoin est un crypto-actif dont la valeur est adossée au dollar par la société le mettant sur le marché (elle dispose ainsi d’autant d’actifs en dollars que du stablecoin en question, au moins théoriquement). Les stablecoins assurent le rôle essentiel des liquidités dans l’écosystème des cryptos actifs en permettant les achats/ventes sur les plateformes de courtage, mais sont opaques et, dans les faits, ne parviennent pas toujours à maintenir la parité avec le dollar. Les entreprises fournissant les stablecoins comme USDC ou Tether (les deux principaux, dont la capitalisation boursière s’élève à près de 200 milliards de dollars) ne publient pas de manière transparente leurs comptes et ne sont pas auditées de manière indépendante. Il est donc probable que la totalité des jetons ne soit pas convertible en dollars, contrairement à la promesse faite par leurs promoteurs.
Un NFT (non-fungible token ou jeton non fongible) est un mini programme informatique possédant un identifiant unique stocké et authentifié grâce à une blockchain. Ce certificat pointe vers un fichier informatique tiers (une image, un texte, etc) afin de certifier le caractère unique de l’objet numérique en question. Ce qui n’empêche pas de le copier ou de le déteriorer, puisque le fichier sous-jacent n’est pas lui même stocké sur la blockchain (seul le jeton de certification non fongible l’est). Si cela parait stupide et absurde, c’est normal.
La blockchain (chaine de blocs) est la technologie sous-jacente aux cryptomonnaies et cryptoactif. Elle consiste en une base de données informatiques comparable à un registre dont la sécurité est assurée par sa subdivision en blocs de données liés entre eux par des mécanismes numériques (équations à résoudre, procédure cryptographique ou autres) et distribués sur un réseau informatique.
Un memecoin est un crypto-actif ou “token” (jeton numérique) pouvant être acheté et vendu sur les plateformes de courtage en crypto monnaie et basé sur un meme internet, c’est-à-dire un visuel humoristique ou autre représentation numérique. Les memecoins possèdent une valeur purement spéculative reposant exclusivement sur celle que lui prêtent ses acheteurs.
Un rug pull, dans l’univers des cryptos, désigne la pratique consistant à mettre en circulation un nouveau crypto-actif (créer à partir de rien et promu via une campagne marketing) dans le but de vendre ensuite rapidement les jetons encore détenus par les créateurs du crypto-actif afin d’encaisser les gains. Cette vente brutale conduit à l’effondrement définitif du cours, ce qui laisse les investisseurs largement dans l’impossibilité de récupérer leur mise. Le terme Rug pull (tirer le tapis) évoque le fait de tirer le tapis sous les pieds de quelqu’un d’un coup sec afin de le récupérer, provocant la chute ou l’instabilité de la victime.